La famille

Rédigé par Nathalie Legrand - - Aucun commentaire

Qui n’a pas blotti au coin de ses souvenirs des repas de famille pendant lesquels des « Le poulet est délicieux » croisent des « Et à l’école, ça se passe comment ? » tout en s’accrochant à des facétieux « Tu reprendras bien un peu de haricots verts !! ». Il y a dans ces souvenirs des instants mis sous cloche dans une volonté d’en conserver le beau, la moindre parcelle de joie et puis il y a les autres. Des moments empoussiérés que l’on aimerait oublier.

C’est pour ceux-là déposés au creux de ma curiosité lors de rencontres professionnelles que j’ai souhaité approfondir, aller plus loin, écrire que ces tablées peuvent accueillir des plats tièdes de querelles condimentées de controverses. Si ces dernières s’enhardissent à la faveur d’un vin de noix et/ou d’un généreux merlot aux arômes attrayants, leurs existences prennent souvent racine dans des passés complexes aux bords boursouflés. Un désaccord politique, une parole coupée, un sourire en coin à peine esquissé sont alors susceptibles de faire s’écouler un sang tiède et visqueux, celui d’inconscientes blessures ré-ouvertes. Les causes de celles-ci peuvent être des manques d’amour à combler, une place bancale à rétablir, une attente d’attention inassouvissable, etc…

Une fois ceci écrit, une question s’est imposée à mon esprit.

Pourquoi certains individus persistent-ils à vouloir assister à ces réunions mêlant convivialité et règlement de comptes plutôt que de les fuir, de se préserver de tempêtes aux rendez-vous programmés ?

Même si ces mécanismes des manières d’êtres des hôtes sont souvent le fruit des facteurs nommés ci-dessus, ils sont aussi le résultat d’une crainte, pignon nécessaire au fonctionnement de l’engrenage. Celle de voir leur existence non pas physique, mais symbolique anéantie. Un statut familial. Il est par exemple celui de l’ainée d’une fratrie qui, enfant, aimait à se faire obéir par son frère et sa sœur et aujourd’hui en tant que responsable d’équipe éprouve des difficultés à asseoir une autorité et de fait s’attire l’animosité de sa hiérarchie. Dans la mesure où cette personne déserterait les événements familiaux, elle perdrait cette place d’autorité (qui selon ses croyances participe au fait que ses parents l’aiment) inexistante dans l’autre sphère. Pour certains individus le statut familial, tel un tee-shirt mouillé collant à la peau de leur existence est inconfortable, mais il ne s’en débarrasserait pour rien au monde parce que c’est grâce à lui qu’ils sont, qu’ils évoluent tant mal que bien, tant bien que mal.

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