Une séance de coaching gratuit ? Ça vous dit ?

Rédigé par Nathalie Legrand - - Aucun commentaire

C’est une proposition de développement personnel gratuite et les quelques réactions qui s’en sont suivies qui m’ont poussée à vouloir réfléchir sur le sujet du gratuit dans la relation d’aide. En effet, quel n’est pas mon étonnement, il faut bien l’avouer agacé, de voir régulièrement fleurir ici et là des propositions d’accompagnement non rémunérées, des séances de coaching offertes voire des personnes à la recherche d’un de leur congénère (docile) à coacher pour valider une fin de formation.

Avant de poursuivre au delà, je souhaite faire un pas de côté afin de donner la définition de ce qui est au cœur de ce sujet : la relation d’aide. Effectivement, même si, je ne l’aborde pas de manière frontale, elle est la composante des réflexions qui vont suivre. Selon Carl Rogers, la relation d’aide est une des formes interpersonnelles ayant pour vocation de favoriser chez l’autre, la croissance, la maturité, une plus grande capacité à affronter la vie en mobilisant ses propres ressources.

Pour en revenir sur cette initiative produite sur Facebook, ainsi que sur son principal argument « de ne pas vouloir s’enrichir », je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec le bénévolat dont l’origine d’un des courants se situe au Moyen Âge avec la prise en charge par l’église des écoles, des hôpitaux et des orphelinats. D’ailleurs, j’aime à penser que les valeurs de cette pratique résonnent consciemment ou inconsciemment chez celles et ceux qui font le choix d’œuvrer de manière charitable et non rétribuée. Le pourquoi de cette volonté, tant soit peu qu’il fut nécessaire d’y apporter une réponse ne m’appartient pas.
 

 

Un autre point important est que ce bénévolat ne peut être encadré par un contrat. La définition de ce dernier est « Une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose vis-à-vis de quelqu’un ». Et là, mon esprit tortueux, auquel, je l’espère, vous vous êtes habitués, se laisse à imaginer quelques dérives possibles dans le cadre d’un accompagnement nullement balisé. Un client s’autorisant à faire part, à son interlocuteur, de son vécu douloureux, et ce pendant des heures d’affilée. Un autre individu, ou le même d’ailleurs, contactant son « référent » au milieu de la nuit parce qu’il souhaite lui faire part d’éléments de réponses à des interrogations existentielles. Ou bien encore que le bon samaritain « le coacheur » déballe jusqu’aux moindres fragments les détails des échanges, éclos lors de son accompagnement, en place publique qui serait, dans le contexte d’aujourd’hui, les réseaux sociaux. Autre situation ubuesque, ledit professionnel abandonne, sans aucune raison, « le coaché » en cours de suivi, le laissant tel un voyageur encombré de ses valises de vie, sur le quai de la gare, ne sachant dans quel train monter, vers quelle destination se diriger.
À la suite de plus amples recherches, j’ai trouvé une définition du contrat plus en corrélation avec l’activité d’accompagnement. Elle est la suivante. « La relation d’accompagnement, en s’inscrivant dans un cadre référentiel, évite de projeter sur l’autre des désirs, des attentes, des croyances ou des jugements. Il sauvegarde ainsi la liberté des personnes en présence. Il rappelle à chacun son rôle ». Ces quelques mots peuvent sous-entendre qu’en l’absence de règles et de devoirs, des agissements néfastes en lien avec des pratiques sectaires peuvent s’exercer. D’ailleurs, un article paru fin 2019 sur le journal La Dépêche renseigne sur le fait que « L’année 2016 et le 1er semestre 2017 ont confirmé les inquiétudes sur les nombreuses offres potentiellement sectaires dans le domaine de la santé, du bien-être et du développement personnel. Beaucoup de propositions dans ce domaine ont une approche psychothérapique reposant sur le postulat que le malade ou la personne insatisfaite de sa vie est entravée et peut se libérer et libérer son potentiel de guérison, d’épanouissement, ou de réussite ». Et s’il fallait encore enfoncer le clou, de mon point de vue, un contrat doit être aussi le reflet d’une déontologie avec des bases éthiques et morales solides auquel tout professionnel doit adhérer.

Pour poursuivre sur cette ambition de vouloir agir de manière non rémunérée, le poids de la notion du gratuit dans l’inconscient collectif est à prendre en compte. En effet, celle-ci est à même d’induire une « qualité moindre » et là un parallèle peut être alors imaginé entre accompagnement gracieux et piètre qualité. Ce qui, je tiens à le préciser, n’est souvent pas le cas pour le bénévolat, même si, j’ai souvent entendu ce désintéressement utilisé comme une circonstance atténuante pour justifier un manque d’implication et, ou d’expérience d’une personne agissant de cette manière. Par ailleurs, la profession doit tout autant s’inquiéter quand on voit ici et là des personnes émettant l’hypothèse que travailler de manière désintéressée serait une rampe de lancement pour je cite « s’entrainer ». S’entrainer à quoi ? S’entrainer pourquoi ? Pour valider un certain nombre d’heures de coaching et obtenir ainsi une certification. C’est ce que j’ai lu. L’humain dans toute sa complexité peut-il, doit-il être, dans ce cadre là, une matière pour s’entrainer ? On s’exerce, on fait semblant, ce n’est pas pour de vrai, ce n’est pas grave si on égratigne, si on blesse, cela n’a pas d’importance si on froisse, si on écorche, si on rate. À travers ces propos, l’essentiel qui transpire, parait être la quantité (d’heures) dont il faut s’acquitter plutôt que la qualité (de l’accompagnement), tant soit peu que cette dernière fasse partie de l’équation, puisse qu’elle n’est pas évoquée. Il serait aussi intéressant de connaitre les objectifs de ces heures de coaching à réaliser. Dans l’espoir qu’ils existent. Et puis, que faire, face à une personne qui présenterait des troubles du comportement ? Comment agir envers une autre s’enfonçant dans une grave dépression ? Quels propos tenir vis-à-vis d’une énième, perdue dans des tourments d’ordre psychiatriques ? Dans un tel contexte, la volonté à vouloir prouver d’un professionnel en devenir pas suffisamment aguerri ne serait-elle pas à même de mettre en danger l’individu qu’elle accompagne ? Une caricature, me reprocheront certains, une exception m’opposeront les autres. Oui peut-être, sans doute même. Mais au vu du processus, je ne peux m’empêcher d’élaborer ces quelques hypothèses. Pour finir, il est nécessaire de savoir que dans toutes interrelations, chacun d’entre nous, transposons, de manière consciente ou non, nos blessures et nos failles, c’est pourquoi, il est bien de les avoir explorés, un tant soit peu, avant de se lancer dans cette profession. Et si cela n’est pas un passage obligé, il est alors important d’avoir conscience de ce fait pour, le cas échéant, savoir orienter le client vers autre professionnel, et, ou être en mesure de faire part à un référent de ses difficultés, de ses projections ainsi que de ses interrogations si cela s’avérait nécessaire. De plus, cette absence de rémunération ne présenterait-elle pas un autre revers, celui-ci plus pervers, celui de bâillonner un quelconque mécontentement du client qui hésiterait à protester puisqu’il n’aurait rien payé. La question demeure être légitime.

Dans un autre temps, en lien avec la gratuité, j’ai souhaité me pencher sur la notion de l’argent. En effet, pour rappel, la personne défendant sa pratique non rétribuée reprochait aux autres de je cite « vouloir s’enrichir ». Permettez-moi, avant de poursuivre, de faire un petit détour par une énième définition. « L’argent est un moyen de change, le plus souvent matérialisé sous la forme de billets et de pièces de monnaie, qui est accepté par une société pour payer des biens, des services et toute sorte d’obligations. C’est donc un instrument de paiement. Il s’agit d’un intermédiaire dans les échanges ». Je rajouterai que notre société a fait le choix de l’argent comme matière pour reconnaitre et valoriser les compétences, les expériences, les diplômes, les études. En effet, on n’évalue pas un bac avec un kilo de noisettes voire cinq cents de noix (c’est plus lourd). Une première question fondamentale se pose alors. Comment se nourrit la personne qui œuvre gratuitement ? Comment paie-t-elle l’essence pour son véhicule ? Une autre interrogation vient allégrement bousculer la première. Est-ce parce que cette même personne ne juge pas la fonction qu’elle incarne (donc elle-même) suffisamment légitime (absence de diplômes, d’expérience) pour refuser tout règlement ?

Et puis l’argent dans la relation d’aide a une fonction. En effet, payer la personne qui va nous écouter nous assure pourtant un rapport sain, non assujetti à elle. Payer c’est aussi s’assurer de parler à quelqu’un de compétent qui ne portera pas de jugement. Comme l’indique le psychanalyste Tomario Saverio, l’argent est un des éléments qui assure la sécurité du patient, définit la place de chacun et empêche les dérapages. Une autre psychanalyste dit que « Donner de l’argent, c’est une barrière contre la toute-puissance du thérapeute, et cela signe l’engagement du patient vis-à-vis de son psy, donc de sa cure. Il s’agit là de ce que l’on appelle “l’alliance thérapeutique”. Le paiement de la séance évite également au patient de se sentir symboliquement débiteur à l’égard du thérapeute. Cela peut se traduire par une rupture violente. Alors oui, je vois déjà se lever ici et là des doigts agités dénonçant le fait que nous ne sommes pas tous « psy » et que cette « alliance thérapeutique » n’a pas donc lieu d’être de manière systématique. Une difficulté se doit, dans ces conditions-là, d’être exposée. Sur quels principes de fonctionnement peut s’appuyer un professionnel de l’accompagnement pour travailler avec cette notion d’argent ? La complexité se loge dans le fait que de multiples secteurs d’activités partagent des objectifs communs tels que le bien-être, le mieux-être, le soin tout en ayant des approches et des pratiques très différentes. Il s’avère aussi que certaines de ces pratiques, au contraire d’autres, comme la psychanalyse et la psychothérapie peuvent s’appuyer pour exercer, sur l’expérience, le recul et les recherches de grands noms tels que Freud, Lacan, Françoise Dolto, Mélanie Klein, etc… Pouvons-nous, devons-nous, professionnels de l’accompagnement, nous adosser à certains de ces préceptes notoirement reconnus qui ont fait et font encore leurs preuves ? Pour ma part, ces fondements de « l’alliance thérapeutique » me parlent (langage imagé) et je fais de ces derniers ma référence.

J’ai souhaité, par ailleurs, me concentrer plus avant sur cette intention de vouloir travailler gratuitement. Ainsi, je me suis demandée ce qu’abritait cette bonté ? Une bonne conscience à déposer sur l’autel de sa propre satisfaction ? Un besoin de vouloir apporter de l’aide ? Petite parenthèse. Cette aide est en mesure d’être mise en œuvre autrement, au sein d’associations par exemple. Et si la raison masquait un autre souhait, un souhait plus terre à terre, celui d’attirer des clients, de se constituer un réseau par le biais du bouche-à-oreille, d’engranger des compétences en bref une volonté de se lancer. Il reste, malgré tout, quelques pointillés à compléter pour assouvir cette envie, celle du statut juridique à déterminer pour pouvoir agir de la sorte en toute légalité.

Je tiens à préciser que mes propos probablement pessimistes ou assurément réalistes (à vous de voir) ne sont pas que le fruit de mon esprit tortueux. Ces derniers proviennent aussi de mes expériences vécues sur le terrain en tant qu’éducatrice spécialisée.

Pour clore ce billet d’humeur, il faut comprendre que celui-ci n’a pas pour vocation d’apporter toutes les réponses à cette notion de gratuité dans l’accompagnement. Il se veut être, pour tout un chacun, matière à réflexions.

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