Joyeuses Chimios

Rédigé par Nathalie Legrand - - Aucun commentaire

Nausées, fatigue, diarrhée, épuisement, bouche pâteuse, sensibilité accrue à certaines odeurs, chaque effet secondaire de la chimiothérapie semblait patiemment s’essuyer les pieds sur le paillasson de mon existence avant d’y pénétrer sans y être invité et ce dans la ferme intention de la mettre à mal, de me mettre ko. Dans une attente perverse, une fièvre à plus de 39 degrés puis des inflammations buccales se sont invitées à une fête organisée sur les restes de mon être.

Dans cette joyeuse ambiance (ironique), certaines choses sont devenues secondaires comme les douleurs postopératoires liées à la pose de la chambre (dispositif nécessaire à pouvoir injecter les produits de la chimiothérapie), et ce malgré le fait que l’implantation du dispositif ne se résume en un seul terme : barbare. Pour chaque invité, il a fallu s’adapter. S’alimenter devenait tout un art pour contrer les nausées, pour parer la diarrhée, un bol de chocolat que j’aurai englouti un jour devenait, à cause des turpitudes de mes intestins, indésirable le lendemain, je devais soudainement bannir une réconfortante soupe de vermicelle en raison de sa capacité à aggraver les irritations provoquées par les mucites.

Et puis, il y a tout le reste comme devoir faire le ménage et la cuisine avec des gants en caoutchouc pour garantir le vernis de mes ongles fragilisés par les produits de la chimio, tout autant que de protéger mes mains de micro blessures susceptibles d’héberger bactéries et microbes en passe de me faire vaciller (en cause, mon système immunitaire en berne). Je ne peux aussi qu’entreprendre des tâches courtes afin d’éviter que la fatigue m’assaille. J’ai dû tout autant changer de gel douche surgras, car écœurée par l’odeur de rose de celui acheté pour l’occasion. Tout devient complexe et doit faire l’objet de réflexions. Mon sommeil que bien trop souvent aléatoire, n’aide pas à récupérer, mon esprit s’enlise encore dans les maux tout autant que les mots de cette saloperie de maladie.

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Novembre obscur

Rédigé par Nathalie Legrand - - Aucun commentaire

« Bonjour, c’est J., le staff a décidé d’avancer votre rendez-vous du 13 au 07 c’est possible pour vous ? ».
« Oui c’est possible pour moi ».
Le lendemain une autre personne me demande de décaler ledit rendez-vous, me propose deux créneaux, je choisis le plus proche. Le 05 à 15 h 45. Une fois l’impression dissipée d’être, encore une fois, un pion sur l’échiquier de leur organisation, mon esprit, jusqu’au plus profond de mon sommeil, échafaude mille raisons en sable pour justifier les revirements. Aucune ne survivra à mon inquiétude. Le mercredi, le médecin nous reçoit avec une heure de retard nullement flagellée d’excuses.
À peine assis, il m’affirme bien plus qu’il me demande que mon retour à domicile s’est bien passé s’exonérant sans doute de possibles plaintes de ma part, et commence ensuite la lecture sur son écran du résultat de l’analyse de la tumeur, s’arrête au milieu d’une phrase, se retourne, fouille dans une maigre pile de feuilles, sort du bureau chercher le compte-rendu complet, revient, expédie la bonne nouvelle que les ganglions sentinelles ne sont pas cancéreux avant de me dire qu’une « reprise de berges » est nécessaire. En termes plus communs, je dois « repasser » sur le billard afin qu’il prélève plus de matières autour de la tumeur précédemment retirée.

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Octobre noir

Rédigé par Nathalie Legrand - - Aucun commentaire

Ça pue Nathalie, ça pue. Une petite voix dans ma tête me crie la formule aussi fort qu’une autre moins tenace se défend bec et ongle pour l’anéantir. Les trois mots s’incrustent, ils tapissent mon esprit dans les allers-retours entre la machine et le vestibule aux dimensions d’un placard. La suite est floue. Une échographie, des visages compatissants, mon pull à rayures blanc et bleu que j’enfile sans réfléchir, deux silhouettes blanches au bout du couloir sombre que je parcours les yeux cloués au sol, ma peur livrée à Gilles, l’échange aussi court qu’étouffé entre deux secrétaires, la salle d’attente désertée, ma gorge sèche, des regards gênés. Ils m’évitent. Une semaine et un jour plus loin, le rendez-vous pour une biopsie est fixé. 8 heures du matin. 8 heures, c’est bien, c’est tôt, ça ne laisse pas le temps de penser.
Certains intervalles d’avec ce jour s’effacent, ceux de mes pleurs inondant l’ordinaire demeurent. L’examen se déroule sans encombre, on me demande si je n’avais pas senti le nodule avant la mammographie. Non, je n’avais rien ressenti. L’interrogation trop de fois répétée m’exaspère, elle me fait passer le temps de son énoncé du banc des victimes à celui des accusés.
 

 

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C’était mieux avant

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C’était mieux avant. Qui n’a pas prononcé l’affirmative bien souvent enveloppée de nostalgie, qui n’a jamais espéré fouler encore ses terres d’antan embaumées de bonheurs surannés ? La réflexion est venue se poser aux abords de ma pensée alors que mon mari me relatait le contenu d’une rencontre qu’il venait d’avoir avec d’anciens collègues. Ces derniers l’avaient questionné sur une rumeur évoquant le fait qu’il puisse reprendre ses anciennes fonctions quittées il y a environ trois ans.

En effet, si la tournure est venue chatouiller mes neurones, c’est parce qu’elle semblait embaumer l’anecdote du désir que mon mari réintègre ses anciennes fonctions. Mais pas seulement. Lors d’échanges fortuits, des propos aux mêmes objectifs se suspendaient aux lèvres des aspirations d’une poignée d’individus, et ce de manière aussi immuable que Noël s’affiche au calendrier tous les ans le 25 décembre.

Même si l’aspiration ne se formulait pas systématiquement de manière aussi concrète, elle s’infiltrait dans des remarques de lassitudes embuées de démoralisation. « Les projets n’évoluent pas depuis que tu es parti », « nul ne s’oppose aux directives sans sens », etc. « Mais il te regrette encore ? » est la seconde réflexion qui me soit venue.

Au vu des faits, cela semblait être la réalité.

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Le point d’interrogation en question

Rédigé par Nathalie Legrand - - Aucun commentaire

Nous Vous Ils n°3

Ce billet d’humeur est le troisième d’une série dont le nombre n’est jusqu’à aujourd’hui non définie. Tous sont le résultat du regard que je porte sur notre société, ils sont rédigés dans une volonté d’amener chacun d’entre-nous à la réflexion, d’où le sous-titre « Nous. Vous. Ils. ».

Il n’a pu échapper à personne que de plus en plus de journalistes font usage du point d’interrogation, fier et droit. Il s’érige en maitre à l’extrémité de l’information surtout quand celle-ci traine en son sillage un énoncé anxiogène.  

Article de 20 minutes du 03/06/2023, « Contamination aux pesticides, l’eau du robinet va-t-elle nous tuer ? », de la même journaliste « Sécheresses, chaleurs, va-t-on bientôt mourir de soif ? ». Sans doute que le gaillard rondouillard est employé dans l’objectif de dédouaner l’auteur de l’article susceptible d’être accusé de vouloir éparpiller les graines de l’alarmisme aux quatre coins des foyers. Grâce à son emploi, il peut ainsi s’exonérer d’une telle volonté et prétendre l’avoir brandi uniquement dans sa fonction première, celle de questionner. L’argumentation est candide tout autant que la ficelle est grosse. Si la légitimité de cette ponctuation est bien l’interrogation, logé dans les intitulés ci-dessus tel un invité à demeure, il parait être utilisé dans l’objectif d’amoindrir l’effet angoissant de l’énoncé et d’estomper la signification stressante de son contenu. Il sert ainsi de prétexte en rendant l’information incertaine, mais n’enlève rien à son caractère préoccupant. Le faire valoir en guenille devient ainsi un outil de manipulation utilisé par des médias dont une majorité est biberonnée au sensationnalisme.

Et puis, il va sans dire que la fabrication de ces formulations anxiogènes, avec ou sans ponctuation, a pour but d’attirer l’œil, et ce afin de le faire plonger dans les tréfonds de l’article aux dizaines de lignes noircies.

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